Tariq Ramadan était accusé de viol et de contrainte sexuelle. Le tribunal suisse l’a acquitté, jugeant qu’il n’y avait pas de preuve contre lui.
Le verdict est tombé. Et à l’annonce du verdict, prononcé dans une salle remplie de journalistes, Tariq Ramadan a souri, puis a été enlacé par l’une de ses filles. L’islamologue de 60 ans a été acquitté de l’accusation de viol et de contrainte sexuelle qui pesait contre lui par un tribunal genevois, qui a jugé qu’il n’y avait pas de preuve contre lui, mercredi 24 mai. Par ailleurs, il recevra 151 000 francs suisses (environ 154 400 euros) d’indemnités de l’État de Genève.
Trois ans de prison, dont la moitié ferme, avaient été requis la semaine dernière par le procureur.
Sur le banc des parties civiles, de l’autre côté du paravent qui a séparé les deux parties durant les trois jours du procès, l’ambiance est bien différente. Avant même la fin de la lecture du verdict, la plaignante, 57 ans, a quitté la salle. Mais l’affaire n’en restera pas là. Elle a immédiatement annoncé faire appel.
« Brigitte » a raconté avoir eu « peur de mourir »
Le procès de Tariq Ramadan, très attendu, avait mis au jour deux versions opposées des faits. Lui, figure charismatique et contestée de l’islam européen, nie tout acte sexuel et se dit victime d’un « piège ». Convertie à l’islam, la plaignante, « Brigitte », qui a choisi ce pseudonyme pour se protéger des menaces, assure en revanche que l’islamologue l’a soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d’insultes dans la chambre de l’hôtel genevois où il séjournait, la nuit du 28 octobre 2008.
Cette dernière a porté plainte dix ans après les faits, en 2018, encouragée, a-t-elle expliqué, par le fait que d’autres femmes aient fait de même contre Tariq Ramadan en France. Car le sexagénaire est menacé d’un procès en France pour des faits similaires, qui se seraient déroulés entre 2009 et 2016, une affaire qui a déclenché sa chute en 2017. Le parquet de Paris a requis en juillet son renvoi devant une cour d’assises et il appartient aux juges d’instruction d’ordonner un procès ou pas. Le dossier français lui a valu plus de neuf mois de détention provisoire en 2018.
Les deux s’accordent à dire qu’ils ont passé la nuit ensemble dans la chambre de l’hôtel, qu’elle a quitté tôt le matin pour rentrer à son domicile. Tariq Ramadan assure que c’est elle qui s’est invitée dans sa chambre. Il dit s’être laissé embrasser avant de mettre rapidement fin à l’échange. Une version que dément « Brigitte », qui a raconté pendant l’audience avoir eu « peur de mourir » sous les coups de l’islamologue.
Le procureur genevois a, lui, accusé Tariq Ramadan de s’être rendu coupable de « viol à trois reprises » dans la même nuit et de « contrainte sexuelle ». La plaignante a demandé le remboursement des frais d’avocats et une indemnisation à hauteur de 50 000 francs suisses (51 300 euros).
Une relation née sur les réseaux sociaux
Pendant l’audience, la défense a tenté de démontrer l’innocence de Tariq Ramadan en assurant qu’il n’y avait pas de preuves scientifiques. Ses avocats ont également accusé « Brigitte » et les femmes ayant porté plainte en France d’avoir tissé des liens avec pour objectif de faire tomber l’islamologue.
Les avocats de la plaignante ont fait valoir, de leur côté, qu’elle avait bien consulté dans les jours suivant la nuit du 28 octobre 2008 deux psychiatres pour leur relater les faits et leur parler de son état de stress.
Elle a indiqué durant l’enquête avoir fait la connaissance de l’islamologue lors d’une séance de dédicaces quelques mois avant les faits, avant de le revoir lors d’une conférence, puis de correspondre sur un ton de plus en plus intime sur des réseaux sociaux.
Docteur de l’université de Genève, où il a écrit une thèse sur le fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans qui était son grand-père, Tariq Ramadan a été professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni, et invité de nombreuses universités au Maroc, en Malaisie, au Japon ou au Qatar.