Les syndicats ont dénoncé le « passage en force » et la « provocation » d’Emmanuel Macron. La Nupes veut poursuivre la lutte.
Emmanuel Macron s’adressera aux Francais lundi soir lors d’une allocution télévisée.
Emmanuel Macron s’adressera dès lundi aux Français, après la promulgation express de la réforme des retraites, qui a saisi syndicats et oppositions samedi et montré la volonté du président de relancer vite son deuxième quinquennat entravé par la crise sociale et politique. L’Élysée a annoncé à la mi-journée que le chef de l’État s’adresserait aux Français lors d’une allocution lundi soir.
Emmanuel Macron s’exprimera « dans une logique d’apaisement », pour « faire le bilan » des trois mois de crise, et « regarder aussi ce qui a avancé à côté des retraites », a promis sur TF1 le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, citant la baisse du chômage et des impôts, l’augmentation du nombre d’apprentis, etc.
Les quatre syndicats représentatifs de la SNCF ont appelé samedi à une « journée d’expression de la colère cheminote » jeudi prochain, présentée comme une « étape de préparation » aux manifestations du 1er mai. La date du 20 avril tombe la veille des vacances scolaires des régions parisienne et occitane et d’un week-end de chassé-croisé dans les autres zones qui sont déjà en congé. « La promulgation nocturne de la loi ne change rien du tout à notre combat. Nous ne passerons pas à autre chose tant que cette loi n’est pas abandonnée », affirment dans un communiqué la CGT-Cheminots, l’Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et la CFDT-Cheminots, qui mènent une grève reconductible depuis le 7 mars. La CGT a évoqué des actions à venir dans tous les secteurs jeudi 20 ainsi que vendredi 28 avril.
Depuis l’annonce de cette promulgation, c’est l’« incompréhension » qui domine chez les syndicats. Mais loin d’être défaitistes, ils ont réaffirmé leur « détermination » et ont qualifié cette décision de « provocation » et de « passage en force ». « On avait un exécutif à tendance pyromane… Désormais, il semble prendre plaisir à jeter de l’huile sur le feu. Rien de bon ne sortira de tout ça. Ce n’est pas fini, le combat pour les retraites et la justice sociale continue ! » a réagi Laurent Escure, le secrétaire général de l’Unsa.
On avait un exécutif à tendance pyromane…désormais il semble prendre plaisir à jeter de l’huile sur le feu.
Le secrétaire national de la CFDT Yvan Ricordeau a fait part, de son côté, de son « incompréhension » face à ce « passage en force ». Alors qu’Emmanuel Macron avait invité les syndicats à l’Élysée (après avoir refusé plusieurs rendez-vous), la CFDT, « comme l’ensemble des organisations syndicales », a affirmé ne pas répondre favorablement à cette invitation. « Il y a une promulgation dans la nuit et on a reçu l’invitation à 23 heures hier officiellement », a-t-il poursuivi sur RMC, qualifiant la réunion de travail proposée par le président de la République vendredi de « sans méthode, sans objet, sans contenu ». « C’est de l’affichage », a-t-il souligné.
Après la décision du Conseil constitutionnel vendredi, les syndicats avaient demandé « solennellement » au président français Emmanuel Macron de « ne pas promulguer la loi », une demande restée lettre morte. Une décision jugée « honteuse » par la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. « Depuis le début, le mépris renvoyé aux travailleurs aura été constant. Mais leur dignité dans la rue est plus forte », a réagi son homologue à la CFDT, Laurent Berger.
« Ce n’est pas une surprise, mais ça ressemble à de la provocation »
« L’exécutif croit saper la mobilisation sociale en promulguant sa loi brutale en pleine nuit. Il n’en est rien. Emmanuel Macron, vous ne pourrez pas tourner la page. Vous aggravez les crises sociales et politiques. Notre détermination est entière. Nous sommes des millions », a tweeté Simon Duteil, codélégué de Solidaires.
L’exécutif croit sapper la mobilisation sociale en promulguant sa loi brutale en pleine nuit.
« Ce n’est pas une surprise, mais vouloir aller vite, ça ressemble à de la provocation », a renchéri Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière, sur France 2. « Il ferait mieux de dormir parfois le président de la République plutôt qu’à 4 heures du matin, promulguer cette loi. »
« Il avait dit : “J’ai 48 heures.” Il avait deux semaines pour le faire, et pendant ces deux semaines, il aurait pu prendre l’article 10 de la Constitution et renvoyer (le texte devant le Parlement, NDLR), puisque sa loi était censurée avec tous les cavaliers sociaux, tout ce qui était le sucré qu’avaient obtenu les Républicains. Je voudrais bien voir aujourd’hui les sénateurs républicains, qui disaient : “S’il n’y a rien sur les séniors, ce sera sans nous.” Eh bien aujourd’hui, c’est avec eux ou sans eux ? », a-t-il poursuivi.
L’intersyndicale mise sur le traditionnel rendez-vous du 1er mai qu’elle souhaite transformer en « journée de mobilisation exceptionnelle et populaire » contre le cœur de la réforme, la retraite à 64 ans.
Les opposants politiques sont également montés au créneau. C’est un « absurde affichage d’arrogance » pour le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon et un signe de « fébrilité », selon le numéro un du PS, Olivier Faure, qui a promis un « harcèlement démocratique » pour revenir sur les 64 ans. Députés et sénateurs socialistes ont prévu de déposer un texte législatif demandant l’abrogation de la réforme. « C’est un hold-up démocratique », a renchéri l’Insoumis François Ruffin tandis que Marine Le Pen a épinglé une « énième provocation contre les Français ».
La majorité se défend
La promulgation, « c’est la suite logique », a justifié de son côté le ministre des Relations avec le Parlement, Franck Riester, pour qui « on n’a pas intérêt collectivement à revenir en permanence sur le même sujet ». Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a, lui, affirmé samedi qu’il ne voyait pas « quelle différence cela faisait » d’attendre pour promulguer la loi sur la réforme des retraites.
« Quelle différence cela faisait d’attendre trois jours, quatre jours ou cinq jours, alors que le texte est validé », a estimé Olivier Dussopt sur France Culture. « La loi est votée, validée et donc elle doit être publiée en l’état », a-t-il ajouté.
Cette réforme, « c’était la seule manière de protéger les plus faibles, leurs pensions, ceux qui avaient le niveau de rémunération, le niveau de qualification le plus modeste », a défendu samedi le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, à l’occasion d’un Conseil national du parti présidentiel Renaissance à Paris.
Le président disposait de quinze jours après la validation de la plupart des mesures de la réforme par le Conseil constitutionnel pour apposer sa signature et lui donner ainsi son caractère exécutoire. Il l’aura fait au bout de quelques heures seulement.