Diagnostiqué porteur d’une malformation, le nouveau-né est décédé quatre heures après sa naissance. L’interruption de grossesse a été refusée à la maman en vertu de la nouvelle loi.
Une femme s’est vu refuser au Texas la possibilité d’avorter bien que son fœtus ait été diagnostiqué porteur d’une anencéphalie, une malformation du crâne et du cerveau qui le condamnait. Quelques mois après la perte de son enfant, mort quatre heures après l’accouchement, Samantha Casiano fait partie des treize patientes qui poursuivent en justice l’État du Texas, réclamant une clarification des « exceptions médicales » aux lois interdisant désormais l’avortement.
« C’était horrible, car je voulais que ma fille repose en paix le plus vite possible et nous avons dû attendre jusqu’à sa naissance », témoigne auprès de l’Agence France-Presse (AFP) Samantha Casiano, âgée de 29 ans. « Ma fille souffrait d’anencéphalie et allait donc forcément mourir rapidement, avant ou après la naissance. » Dans une telle situation, une interruption médicale de grossesse est souvent proposée aux familles, la malformation condamnant irrémédiablement l’enfant.
Mais, depuis que la Cour suprême américaine a annulé le droit constitutionnel à l’avortement, en juin 2022, et rendu aux États la liberté de légiférer eux-mêmes sur cette question, une quinzaine d’entre eux ont adopté des lois ultrarestrictives ou ont rendu l’avortement illégal sur leur sol.
Le Texas en fait partie. Dans cet État conservateur du sud des États-Unis, l’avortement est désormais interdit et les médecins en pratiquant illégalement encourent de lourdes amendes et jusqu’à 99 ans de prison. Selon les 13 plaignantes, les exceptions pour raisons médiales sont définies de manière trop floue, ce qui effraie les médecins et les dissuade de pratiquer un avortement, même dans ce cadre.
« J’ai failli mourir »
Samantha Casiano dit être victime de ces règles. Son compagnon, Luis Villasana, 25 ans, explique qu’ils auraient pu partir illégalement dans un autre État, mais n’avaient pas les moyens financiers pour le faire, et auraient alors risqué une peine de prison. « C’est à l’encontre de la loi », explique-t-il, ajoutant : « On essaie de faire les choses bien. »
Le couple, qui élève quatre enfants, se faisait une grande joie d’agrandir sa famille avant qu’un examen médical, organisé à vingt semaines de grossesse, en décembre 2022, ne vienne doucher ses espoirs. « Mon bébé est mort dans mes bras […], je l’ai soutenu pendant toutes ces quatre heures », témoigne Luis Villasana.
Pendant les dernières semaines de grossesse, sa compagne avait été placée sous antidépresseurs par son médecin, et devait supporter les félicitations maladroites et questions douloureuses sur son ventre arrondi alors même qu’elle savait pertinemment que leur enfant ne survivrait pas. « J’espère que la loi va changer afin que d’autres femmes n’aient pas à vivre ce que j’ai dû endurer et que d’autres pères n’aient pas à voir leur enfant mourir entre leurs mains », plaide à présent Samantha Casiano.
Exceptions médicales
La mère de famille a déroulé cette semaine son récit douloureux devant un juge à Austin, et a fait face aux questions de la défense qui plaide que les exceptions médicales pourraient être utilisées de manière arbitraire et servir de prétexte.
Hantée par le souvenir d’avoir vu son bébé mourir dans les bras de son compagnon, Samantha s’est écroulée au tribunal. Prise de vomissements, elle a dû être escortée en dehors de la salle d’audience, avant d’éclater en sanglots.
Amanda Zurawski, la première à livrer son histoire, a raconté au tribunal s’être aussi vu refuser un avortement alors que son fœtus était condamné. « Alors que j’avais besoin d’un avortement d’urgence quand j’étais enceinte de ma fille Willow, j’ai été obligée de rentrer chez moi et d’attendre », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse. La jeune femme n’avait pu obtenir cette procédure que trois jours plus tard, après avoir fait une septicémie. « J’ai failli mourir à cause des lois texanes inhumaines qui interdisent l’avortement », a-t-elle dénoncé.
Une autre plaignante, Lauren Miller, a souligné que la fille de Samantha avait « suffoqué ». « On ne devrait pas torturer des bébés et appeler ça être pro-vie », ainsi que se nomment les opposants à l’avortement aux États-Unis, a-t-elle fustigé.