Les Parisiens inscrits sur les listes électorales ont largement rejeté le maintien des trottinettes en libre-service dans la capitale.
« Pour ou contre les trottinettes en libre-service ? » Les Parisiens inscrits sur les listes électorales au 10 mars 2022, soit 1 382 322 citoyens français ou ressortissants de l’Union européenne, ont été appelés à répondre à cette question, ce dimanche, lors d’une « votation citoyenne » convoquée par la maire PS, Anne Hidalgo. Ils ont exprimé dimanche une très large opposition à ces petits deux-roues en libre-service, avec près de 90 % de votes contre lors d’une consultation inédite, selon les chiffres communiqués par la mairie.
Les opposants à la municipalité n’ont pas manqué de juger la participation beaucoup trop faible pour que la maire puisse s’en réjouir. Un peu plus de 100 000 personnes (103 084), soit 7,46 % des Parisiens inscrits sur les listes électorales, ont pris part à cette « votation » inédite. « Les Parisiens ont marqué leur profond désintérêt pour la votation […] organisée par Anne Hidalgo », a raillé la droite municipale dans un communiqué. Le conseiller de Paris Pierre-Yves Bournazel (Horizons) a dénoncé « le manque d’engagement de l’exécutif municipal » pour cette consultation.
Les opérateurs de trottinettes en libre-service ont tout tenté
Malgré les critiques, cette consultation « engagera » Anne Hidalgo, qui doit décider du renouvellement ou non du contrat avec les trois opérateurs privés (Lime, Tier et Dott). Ces conventions, qui autorisent chacun à déployer 5 000 trottinettes dans la capitale, arrivaient à échéance fin mars. « Les Parisiennes et les Parisiens ont envie d’être sollicités sur des choses qui renvoient à leur vie », avait-elle avancé, s’engageant « à respecter purement et simplement le résultat », quelle que soit l’abstention. Elle-même avait fait campagne pour le vote « contre ».
Améliorations technologiques, campagne sur les réseaux sociaux et course gratuite le jour du vote : les trois opérateurs ont tout tenté pour éviter leur éviction, qui renverrait un signal négatif aux villes moyennes hésitant à autoriser ce service, quand d’autres grandes métropoles comme Barcelone ou Montréal bloquent encore leur installation.
Les trottinettes électriques sont accusées par leurs détracteurs d’être abandonnées n’importe où dans l’espace public, de frôler à toute vitesse les piétons sur les trottoirs, ou de ne pas être si écologiques que cela en raison d’un mauvais bilan carbone supposé. Pour autant, la pandémie et les grèves dans les transports, combinées aux restrictions sur la circulation automobile dans la capitale française, ont favorisé leur multiplication.
Pour rassurer la mairie, les opérateurs ont déjà déployé de nombreuses mesures, immatriculant leurs trottinettes pour mieux collaborer avec les forces de l’ordre, accentuant les contrôles de l’âge des utilisateurs, et renforçant les patrouilles contre les engins mal garés.
Des votants plutôt contre et peu de jeunes
En revanche, la campagne a été laissée de côté par les partenaires de la maire. L’opposition de droite n’a, de son côté, pas appelé à participer au vote, déplorant que la maire ne consulte que les citoyens sur un sujet « mineur ». Marine Tondelier, secrétaire nationale EELV, s’est également exprimée : « On a des sujets plus importants à débattre. » Quant à Stéphane Séjourné, secrétaire national de Renaissance, il a estimé que la mairie n’organisait cette consultation que parce qu’elle n’avait « pas réussi à réglementer comme il le fallait ».
Les votants, dont peu ont moins de 30 ans, ont majoritairement voté contre, révèle l’AFP. « C’est dangereux, à la fois pour ceux qui les utilisent et pour les piétons », pense Françoise Granier, dans le 9e arrondissement. Un avis partagé par cette médecin de 68 ans. Elle déplore le pêle-mêle des incivilités des « trottinettistes », cyclistes ou motards : « On ne verbalise jamais ! »
Plus modéré, Nicolas Gorse a préféré insister sur l’éducation, la détection et la sanction. « Certes, il y a encore des infractions au Code de la route et des comportements dangereux. Ça, il s’agit de l’humain, pas des engins. » Clément (le prénom a été changé), 33 ans, est lui un utilisateur régulier. S’il a sa propre trottinette, il assure : « Je n’ai pas d’autre moyen de transport. Je fais tout avec. » Pour lui, celles en libre-service lui permettent d’avoir « une alternative quand [sa] trottinette est en réparation, ce qui arrive tous les mois ». « Y en a marre qu’on dise que c’est un moyen de transport de jeunes ! » s’exclame, de son côté, Servane Gaxotte, 57 ans, styliste du 11e arrondissement qui utilise elle aussi les trottinettes en libre-service, « vachement plus mobiles » que le vélo. Paris devient la seule capitale européenne à complètement interdire les trottinettes en libre-service, arrivées dans la capitale depuis 2018.
Les opérateurs prennent acte
« Nous prenons acte de cette consultation inédite, dont la mobilisation aurait pu être plus large et représentative si les modalités de la votation avaient été différentes : plus de bureaux de vote, scrutin électronique, information municipale », indiquent les trois opérateurs de trottinettes électriques Dott, Lime et Tier Mobility dans un communiqué commun publié dimanche soir.
« Le résultat de cette votation aura un impact direct sur les déplacements de 400 000 personnes par mois », soulignent les trois opérateurs. « À partir de maintenant, notre priorité en tant qu’employeurs responsables est d’assurer l’avenir de nos salariés ». Au total, les trois entreprises emploient quelque 800 personnes à Paris sur l’activité de location de trottinettes.
Dott, Lime et Tier Mobility espèrent à présent « une reprise rapide du dialogue avec la Mairie afin de discuter des prochaines étapes » et précisent qu’ils vont continuer « d’offrir des services de location de vélos électriques » à Paris. Nicolas Gorse, le directeur général de Dott avait indiqué dimanche matin sur RMC que l’activité location de trottinettes représentait environ un tiers de son chiffre d’affaires à Paris et que la mairie allait aussi perdre en interdisant les trottinettes quelque 930 000 euros que lui versaient annuellement les trois opérateurs.