Après un premier verdict clément, les trois violeurs de Sanae, fillette de 11 ans au moments des faits, ont été condamnés à 20 et 10 ans de prison ferme.
C’est une jeune fille frêle et mutique qui est entrée, jeudi 13 avril, dans l’enceinte du tribunal de Rabat, accompagnée de sa grand-mère et de son père. Sanae, aujourd’hui âgée de 12 ans, a « subi des viols à répétition sous la menace », entraînant une grossesse, selon des ONG de défense des droits des femmes, dans un village près de Rabat, alors qu’elle n’avait que 11 ans. Ses trois agresseurs, âgés de 25, 32 et 37 ans, pour lesquels le verdict en première instance avait été clément, ont vu leurs peines être alourdies par la cour d’appel de Rabat, dans la nuit de jeudi à vendredi.
Initialement condamnés, le 20 mars dernier, à deux ans de prison ferme pour l’un, à 18 mois ferme pour les deux autres, ils ont finalement écopé d’une peine de 20 ans de prison ferme pour l’un d’entre eux et de 10 ans pour les deux autres, pour « détournement de mineure » et « attentat à la pudeur sur mineure avec violence ». La cour d’appel a également relevé les dommages. Ils ont été condamnés à payer un total de 140 000 dirhams (plus de 12 500 euros), contre 50 000 dirhams (4 500 euros) en première instance. Ils encouraient jusqu’à 30 ans de prison ferme, selon le Code pénal marocain.
« Si c’était possible, j’aurais requis la peine capitale »
Devant la cour d’appel, Sanae « a réitéré son témoignage », a indiqué son avocat, Me Mohammed Sebbar. Au contraire d’une témoin mineure proche d’un des accusés et ayant précédemment appuyé la version de la fillette. Selon les avocats de la partie civile, elle s’est rétractée devant le juge.
« Nous sommes d’accord sur le principe de la condamnation, mais pas sur les peines », a clamé Me Sebbar devant la cour. « La sentence en première instance a puni la victime et non les accusés », a-t-il estimé. La partie civile a réclamé une prise en charge financière de la fillette jusqu’à sa majorité par le ministère de la Solidarité. La défense a, de son côté, jugé les déclarations de la fillette « contradictoires » et a plaidé « l’innocence » pour les prévenus.
Les trois accusés ont tous nié en bloc face aux questions du juge, de la partie civile et du parquet, qui avait requis la peine maximale contre le trio. L’un d’eux, confronté au test ADN prouvant qu’il est le père biologique de l’enfant de Sanae aujourd’hui âgé d’un an et un mois, s’est contenté de répéter : « Je ne sais pas. »
Le procureur du roi a, lui, déclaré qu’il aurait « requis la peine capitale », si cela avait été possible. Le Maroc a de facto aboli la peine de mort, n’ayant procédé à aucune exécution depuis 1993.
« Sanae recommence à sourire »
L’affaire, qui a relancé le débat sur la protection des enfants contre les violences sexuelles dans le royaume et la nécessité de réformer les lois, a profondément ému l’opinion publique, qui a dénoncé un premier jugement « laxiste » et « choquant ». Une pétition en ce sens a recueilli plus de 35 000 signatures.
L’Insaf (Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse), qui accompagne la fillette depuis le début de l’affaire, a aidé la petite fille à intégrer une école de la deuxième chance alors qu’elle n’avait jamais été scolarisée.
Amina Khalid, secrétaire générale de l’Insaf, a déclaré que, plus d’un an après les faits, « Sanae recommence à sourire un peu. Mais elle reste choquée ».