Bruxelles a dévoilé en avril la liste de 19 très grandes plateformes en ligne et moteurs de recherche devant se soumettre à des contrôles renforcés à partir du 25 août. Avec ce nouveau texte, elles devront fournir aux fonctionnaires et aux chercheurs un accès sans précédent à leurs algorithmes et à leurs décisions en matière de modération de contenus.
Twitter doit renforcer ses moyens d’ici le 25 août pour être capable de respecter l’ambitieuse nouvelle législation européenne sur les contenus en ligne, a averti jeudi le commissaire européen, Thierry Breton, après sa rencontre avec Elon Musk. « Si la technologie n’est pas prête, ils doivent disposer de suffisamment de moyens pour combler l’écart. J’ai parlé de ce sujet spécifique avec Elon Musk », a déclaré le commissaire européen à la presse, à l’issue d’une réunion au siège de Twitter, à San Francisco, à laquelle la nouvelle directrice générale de la plateforme, Linda Yaccarino, était également présente.
Le commissaire européen est actuellement en Californie pour s’assurer que les géants du Web, comme Facebook, Instagram et Twitter, sont prêts à respecter la loi sur les services numériques (Digital Services Act), qui commencera à entrer en vigueur fin août. Ce texte est une des réglementations les plus ambitieuses en matière de contrôle des contenus en ligne depuis l’avènement des réseaux sociaux. Il impose une longue liste de règles aux plateformes, aux places de marché et aux moteurs de recherche, comme l’obligation d’agir « promptement » pour retirer tout contenu illicite ou préjudiciable dès que la plateforme en a connaissance.
Thierry Breton a raconté avoir insisté auprès de Twitter sur les « quelques domaines critiques », lors de cette réunion à laquelle Elon Musk a assisté par visioconférence depuis New York. Il s’agit « en particulier de tout ce qui a trait à la maltraitance des enfants, qui est un sujet très brûlant pour nous en Europe, ainsi que de la désinformation lors des élections ».
L’ancien ministre français des Finances doit également rencontrer Mark Zuckerberg, le patron de Meta, pour s’assurer de la mise en conformité de Facebook et d’Instagram. Mais c’est sa conversation avec Elon Musk qui concentre toute l’attention, car le nouveau propriétaire de Twitter défend une liberté d’expression quasiment sans limite, y compris lorsque les contenus sont offensants ou alimentent la désinformation, au mépris des règles européennes.
« Stress test »
La visite du commissaire européen chez Twitter a permis à une équipe de l’UE d’effectuer un « stress test » pour vérifier si la plateforme est prête, ce dont de nombreux observateurs doutent. Car Elon Musk a enclenché une vague massive de licenciements, qui a décimé les équipes de modération. Malgré cela, le propriétaire de l’« oiseau bleu » a assuré la semaine dernière, à Paris, que Twitter a l’intention de respecter la nouvelle réglementation européenne.
« Je ne suis pas là pour dire à l’entreprise ce qu’elle doit faire, a précisé le commissaire européen. Je suis le régulateur et je dois leur dire ce qu’est la loi. » Sur les conseils du commissaire, la plateforme TikTok – qui appartient au chinois ByteDance et qui soulève actuellement des questions vis-à-vis de son éventuelle dépendance au pouvoir de Pékin – a également accepté de se soumettre à un audit à blanc en juillet. Ce genre de test permet de vérifier que les plateformes opèrent correctement avant l’entrée en vigueur du texte, sans conséquences en cas d’infraction.
La loi DSA veut frapper fort
Car la loi DSA offre une réglementation très stricte. Comme les règles européennes sur la protection des données (RGPD), elle pourrait devenir une référence dans le monde, alors que de nombreux gouvernements s’efforcent de réguler les dérives du Web. Pour y répondre, Twitter, Meta, TikTok et d’autres plateformes devront investir, de façon importante, dans salariés et des technologies dédiées. Juste au moment où plusieurs acteurs majeurs du secteur viennent de procéder à des licenciements massifs, y compris au sein de leurs équipes de modération.
Bruxelles a dévoilé, en avril, la liste de dix-neuf très grandes plateformes en ligne et moteurs de recherche, devant se soumettre à des contrôles renforcés à partir du 25 août. Avec ce nouveau texte, elles devront fournir aux fonctionnaires et aux chercheurs un accès sans précédent à leurs algorithmes et à leurs décisions, en matière de modération de contenus.
Pour l’instant, Meta limite fortement l’accès à ces données depuis le scandale de Cambridge Analytica, tandis que Twitter et Reddit ont mis en place des tarifs élevés de nature à dissuader certains chercheurs. La DSA accorde également plus de droits aux utilisateurs estimant avoir été injustement censurés. Les plateformes pourraient recevoir une amende pouvant aller jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires mondial en cas de non-respect de la loi, voire une interdiction pure et simple en Europe en cas d’infractions répétées.