Le Premier ministre néerlandais a annoncé lundi quitter la politique après les élections législatives anticipées prévues cet automne.
La coalition gouvernementale néerlandaise quitte le pouvoir, victime de débats houleux entre les quatre partis la composant.
Mark Rutte était appelé « Teflon » car les scandales et crises politiques glissaient sur lui comme une crêpe sur une poêle. Le Premier ministre, qui a été le plus longtemps au pouvoir dans l’histoire des Pays-Bas, n’a pourtant pas résisté à la dernière crise politique qui a secoué son gouvernement. Le chef du parti de droite libérale VVD, âgé de 56 ans, a créé la surprise lundi en annonçant qu’il quitterait la politique à l’issue des élections législatives anticipées prévues pour l’automne prochain et qui sont provoquées par l’effondrement de son gouvernement après des luttes intestines sur le thème de l’asile.
Le pilier de la politique européenne avait survécu à une précédente démission et à de multiples élections en raison de ses compétences dans les coulisses et de son image de « Monsieur Tout-le-Monde ». Mais M. Rutte, le Premier ministre qui sera resté le plus longtemps en fonction dans l’histoire des Pays-Bas, a surpris en proposant des mesures clivantes autour de l’accueil des demandeurs d’asile tout en sachant que deux des quatre partis de son gouvernement de coalition les refuseraient. Ces derniers ne sont logiquement pas parvenus à trouver un accord, provoquant la chute du gouvernement vendredi.
Le Premier ministre sortant a fait samedi une arrivée très discrète, dont il a le secret, à la résidence de la famille royale à La Haye afin de remettre sa démission au roi, conduisant une voiture de la marque Saab. Depuis la semaine dernière, la presse néerlandaise tente de comprendre pourquoi ce fin stratège politique, rompu à composer avec d’autres partis, a pris le risque de faire tomber un gouvernement en place depuis seulement un an et demi. En réalité, M. Rutte semble avoir privilégié la lutte de pouvoir au sein de son parti de droite libérale, VVD (Parti populaire pour la liberté et la démocratie), d’autres membres défendant une ligne plus dure que lui sur l’immigration et l’accueil des réfugiés.
Vélo et pommes
M. Rutte a longtemps misé sur une image d’homme politique proche des gens, minutieusement cultivée lors de ses apparitions publiques. Au fil des ans, il a régulièrement été photographié et filmé par la presse nationale en train de circuler à vélo, alors qu’il se rendait à des réunions avec des dirigeants étrangers, grignotant une pomme d’une main, tenant son guidon de l’autre.
Le plus jeune de sept enfants, son père Izaak était commerçant, tandis que sa mère Mieke était la sœur de la première femme d’Izaak, décédée dans un camp d’internement japonais dans les Indes néerlandaises (actuelle Indonésie) pendant la Seconde Guerre mondiale, son frère Wim est décédé en 1989 des suites du sida. Lui qui rêvait d’abord d’une carrière de pianiste a fréquenté la prestigieuse université de Leyde avant de rejoindre le géant anglo-néerlandais de l’agroalimentaire Unilever, travaillant au sein du département du beurre de cacahuètes, un mets très populaire aux Pays-Bas.
Concurrence de l’extrême droite
Admirateur de figures politiques britanniques comme Winston Churchill et Margaret Thatcher, Mark Rutte est devenu Premier ministre en 2010, en formant un gouvernement de coalition grâce au soutien au Parlement du dirigeant du parti d’extrême droite PVV, Geert Wilders. En retirant son soutien au gouvernement, M. Wilders avait précipité la chute de ce dernier en 2012, provoquant la tenue d’élections législatives anticipées. Mais malgré plusieurs tentatives, il n’est jamais parvenu à faire tomber M. Rutte.
Si M. Wilders n’a pas pu le détrôner, c’est parce que Mark Rutte reprend régulièrement des éléments de sa rhétorique anti-immigration, estiment une partie de ses détracteurs. M. Rutte a pris les rênes de sa quatrième coalition en janvier 2022 après un record de 271 jours de négociations. Son précédent gouvernement avait fini par démissionner en janvier 2021, à la suite d’un scandale : des milliers de parents avaient été accusés à tort de fraude aux allocations familiales, sur fond de profilage ethnique.
Ce mandat avait aussi été marqué par des tensions entre M. Rutte et des pays du sud de l’Europe qui le surnommaient « Monsieur Non », en raison de son opposition au déblocage d’aides européennes au début de la crise sanitaire du Covid-19. Mais il a trouvé une cause commune avec l’Allemagne et la France sur de nombreuses questions et a été un fervent partisan de l’Ukraine dans sa lutte contre l’invasion russe.