Alors qu’il purge déjà une peine de neuf ans d’emprisonnement pour “fraude”, Alexeï Navalny risque des dizaines d’années de détention dans un nouveau procès qui s’est ouvert lundi à huis clos en Russie. Accusé “d’extrémisme” et d’avoir “réhabilité l’idéologie nazie”, l’opposant accuse le Kremlin de vouloir le garder en prison à vie.
Alexeï Navalny n’en a pas fini avec le système judiciaire russe. L’opposant emprisonné, bête noire du Kremlin, risque des dizaines d’années de prison dans un nouveau procès, pour “extrémisme“, qui a débuté lundi 19 juin. Une offensive judiciaire qui illustre le climat de répression en Russie dans le contexte de guerre en Ukraine.
Le procès s’est ouvert dans la colonie pénitentiaire de très haute sécurité IK-6 à Melekhovo, à 250 km à l’est de Moscou, selon une correspondante de l’AFP. M. Navalny était dans la salle d’audience avec ses avocats.
Lors de cette première audience, le procureur a demandé de mener les débats à huis clos, invoquant des raisons de sécurité et sa volonté de protéger l’identité d’un témoin de l’accusation.
Opacité autour de ce nouveau procès à huis clos
En conséquence, “le tribunal a décidé de fermer le procès” au public, a indiqué à la presse un porte-parole de la cour, Vadim Polejaïev. Les journalistes se trouvant dans le bâtiment ont donc dû quitter les lieux.
Cette mesure va renforcer l’opacité autour de ce nouveau passage devant la justice pour le principal opposant russe, alors que les contours de l’accusation sont déjà flous, la défense de M. Navalny n’ayant eu que 10 jours pour étudier les 196 volumes du dossier.
“Aucune honte, aucune conscience, aucun honneur“, a dénoncé le père de l’opposant emprisonné, Anatoliï Navalny, en sortant du tribunal.
Depuis le déclenchement de la campagne militaire en Ukraine en février 2022, la plupart des opposants majeurs n’ayant pas fui la Russie ont été emprisonnés ou poursuivis, notamment pour avoir dénoncé le conflit.
Alexeï Navalny, connu pour ses enquêtes anticorruption, purge déjà une peine de neuf ans de prison pour “fraude”, une condamnation qu’il juge politique.
Accusé d’avoir “réhabilité l’idéologie nazie”
En 2020, l’opposant de 47 ans avait survécu de peu à un empoisonnement qu’il impute au Kremlin. Emprisonné depuis janvier 2021, risque désormais jusqu’à 30 années de réclusion dans un nouveau procès où il est notamment accusé “d’extrémisme” et d’avoir “réhabilité l’idéologie nazie”.
L’opposant s’est également dit visé par une affaire de “terrorisme” pour laquelle il risque la prison à vie, mais peu de détails sont connus et les contours de l’accusation sont encore flous.
“Bien qu’il soit manifeste, à en juger par l’épaisseur des volumes, que je suis un criminel méthodique et appliqué, il est impossible de comprendre précisément de quoi je suis accusé”, a récemment ironisé Alexeï Navalny.
L’opposant accuse le Kremlin de vouloir le garder en prison à vie pour lui faire payer ses critiques qui n’ont pas faibli malgré son emprisonnement. Par l’intermédiaire de son équipe, Alexeï Navalny continue de publier régulièrement sur les réseaux sociaux pour dénoncer notamment la guerre en Ukraine.
Selon ses soutiens, Alexeï Navalny est soumis à un traitement particulièrement sévère en prison, où il a perdu du poids et où il est placé à l’isolement au moindre prétexte.
Dans un message publié début juin, l’opposant indiquait avoir été envoyé pour la 16e fois en cellule disciplinaire, où les détenus se trouvent seuls et confrontés à des conditions de vie drastiques.
Alexeï Navalny accuse aussi l’administration pénitentiaire de le harceler en lui donnant par exemple un codétenu avec une infection virale et dégageant une odeur nauséabonde, ou en forçant les prisonniers à écouter des discours du président russe Vladimir Poutine.
Comme Alexeï Navalny, la plupart des opposants connus qui ne s’étaient pas exilés ont été emprisonnés ces dernières années, notamment depuis le début du conflit en Ukraine.
C’est le cas par exemple de Vladimir Kara-Mourza, condamné en avril à 25 ans de prison pour “haute trahison“, ou encore d’Ilia Iachine, condamné en décembre à huit ans et demi de prison pour avoir critiqué la guerre contre l’Ukraine.
Le jour de son 47e anniversaire début juin, Alexeï Navalny affirmait garder le moral, malgré les difficultés de sa détention. “Il est clair que j’aimerais ne pas me réveiller dans ce trou, mais avoir un petit-déjeuner en famille, un bisou sur la joue de mes enfants, ouvrir mes cadeaux et dire ‘Waouh, c’est exactement ce dont je rêvais'”, écrivait-il. Mais, ajoutait-il, un “avenir meilleur” n’est possible “que si un certain nombre de personnes sont prêtes à payer pour le droit d’avoir des convictions”.