Au Sénégal, les députés ont adopté le 20 juillet 2023 le projet de révision de la Constitution qui assouplit le système de parrainages nécessaires pour participer à la présidentielle de février 2024. Le second volet des travaux a porté sur la suppression de la Crei, la Cour de répression de l’enrichissement illicite et son remplacement par une juridiction plus large, de type parquet financier. Ce tribunal spécial anticorruption n’a pas, selon le gouvernement, « permis d’endiguer la criminalité économique et financière » et était décrié par les opposants comme une juridiction créée pour les « mater ». Ces textes sont les premiers issus du dialogue national initié par le président Macky Sall le mois dernier.
Un pôle financier et judiciaire en lieu et place de la Crei
Créée par Abdou Diouf en 1981 et controversée depuis sa remise en service par l’actuel président Macky Sall, en 2012, la Crei sera remplacée par un pool judiciaire financier (PJF) comprenant notamment un parquet « spécialement compétent » sur la criminalité financière et formé de magistrats spécialisés. Le projet de loi a été approuvé par plus de 120 députés sur les 165 que compte l’Assemblée nationale.
Le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a salué « un progrès juridictionnel » avec le PJF, un nouveau dispositif qui « modernise » la lutte contre la criminalité financière qui « s’est complexifiée » d’où, selon lui, des « difficultés » rencontrées par la Crei à cause d’un manque « de ressources humaines, de moyens et de magistrats spécialisés ». La nouvelle loi doit être promulguée par le chef de l’État.
Presque tous les députés intervenus se sont réjouis de la suppression de la Crei.
Deux procès en onze ans
Ceux de l’opposition ont critiqué une cour qui rendait une « justice politique » et a été utilisée pour « mater des opposants », ce que nient les autorités. Des parlementaires sont longuement revenus sur les cas de deux figures de l’opposition, Karim Wade et Khalifa Sall, empêchées de participer à l’élection présidentielle de 2019 à cause de condamnations de la Crei.
Karim Wade, fils de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000 à 2012), a été condamné en 2015 à six ans de prison ferme pour enrichissement illicite. Ancien ministre d’État sous le régime de son père, il a été gracié en 2016 par le président Macky Sall, et est depuis exilé au Qatar.
Khalifa Sall, maire de Dakar à partir de 2009, a été reconnu coupable du détournement d’environ 2,5 millions d’euros des caisses municipales, et condamné en 2018 à cinq ans de prison. Emprisonné en 2017 et révoqué ensuite, il a recouvré la liberté en 2019, lui aussi à la faveur d’une grâce présidentielle.
La juridiction a été, également, critiquée par des défenseurs des droits humains qui lui reprochaient notamment l’impossibilité de faire appel de ses décisions.
Le président Macky Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019 pour cinq ans, a déclaré début juillet n’être pas candidat à la présidentielle de 2024. Il a aussi annoncé une prochaine saisie de l’Assemblée nationale pour des réformes électorales devant permettre à Karim Wade et Khalifa Sall de se présenter au scrutin présidentiel de 2024.