Le bilan s’alourdit au Soudan. Au moins 56 civils ont été tués depuis le début des combats entre l’armée et les Forces de soutien rapide, qui cherchent à contrôler le pays.
Après un samedi de combats, Khartoum, la capitale du Soudan, s’est réveillée, dimanche matin, sous les explosions. Les combats opposant l’armée aux paramilitaires pour le contrôle du pays ont fait au moins 56 morts parmi les civils et des « dizaines » parmi les forces de sécurité, rapporte le Comité central des médecins soudanais, une organisation indépendante et prodémocratie.
Le Comité a également annoncé avoir décompté quelque 600 blessés, notamment parmi les forces de sécurité. Mais en raison de difficultés de déplacements liées aux affrontements, les nombreuses victimes ne peuvent pas être transférées vers les hôpitaux.
Réunion d’urgence de la Ligue arabe
Toute la journée, les appels au cessez-le-feu se sont multipliés. L’ONU, Washington, Moscou, Paris, Rome, Riyad, l’Union africaine, la Ligue arabe, l’Union européenne, l’ancien Premier ministre Abdallah Hamdok, tous ont demandé l’arrêt des combats. En vain. En fin de journée, l’armée soudanaise a même demandé à la population de rester chez elle, car elle poursuivait ses frappes aériennes contre les bases des paramilitaires.
Les Forces de soutien rapide (FSR) de Mohamed Hamdane Daglo, des milliers d’ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus supplétifs de l’armée, ont déclaré contrôler la résidence présidentielle, l’aéroport et d’autres infrastructures clés. Si l’armée dément la prise de l’aéroport, elle reconnaît que les forces paramilitaires ont « incendié des avions civils, dont un de la Saudi Airlines », ce que la compagnie a confirmé.
Face au refus de l’arrêt des combats, la Ligue arabe a annoncé une réunion d’urgence dimanche sur le Soudan, à la demande du Caire, où elle siège, et de Riyad, deux grands alliés de l’armée soudanaise. Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, a, de son côté, appelé les deux belligérants : le chef de l’armée, Abdel Fattah al-Burhane, et le patron des paramilitaires, Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », mais aussi le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi pour réclamer « un arrêt immédiat de la violence ».
Des négociations « impossibles »
Mais le dialogue s’annonce compliqué. Sur la chaîne Al-Jazira, le commandant Hemedti s’est dit inflexible et a affirmé que les FSR « ne s’arrêteront pas avant d’avoir pris le contrôle de l’ensemble des bases militaires ».
Le général Burhane se fait plus discret. Par un communiqué, il a annoncé avoir été « surpris à neuf heures du matin » par une attaque de son QG par les FSR, son ancien meilleur allié que l’armée qualifie désormais de « milice soutenue par l’étranger » pour mener sa « trahison ». Elle a d’ailleurs publié un « avis de recherche » contre Hemedti. « Ce criminel en fuite est recherché par la justice » est indiqué sur le montage photo, alors qu’un second communiqué annonce la dissolution des FSR, appelant tous leurs hommes à se rendre.
Des deux côtés, es négociations feutrées sous l’égide de diplomates et autres discussions policées sont terminées. L’armée a mobilisé ses avions pour frapper – et « détruire », dit-elle – des bases des FSR à Khartoum. Quant aux appels à revenir à la table des négociations, l’armée a répondu que c’était « impossible avant la dissolution des FSR ».
Ces dernières appellent les 45 millions de Soudanais et même les militaires à « se rallier à elles » et à se retourner contre l’armée.
Hemedti et Burhane, alliés devenus ennemis
Lors du putsch en octobre 2021, Hemedti et le général Burhane avaient fait front commun pour évincer les civils du pouvoir. Mais au fil du temps, Hemedti n’a cessé de dénoncer le coup d’État. Récemment même, il s’est rangé du côté des civils – donc contre l’armée dans les négociations politiques – bloquant les discussions et donc toute solution de sortie de crise au Soudan.
Pour les experts, les deux commandants n’ont cessé ces derniers jours de faire monter les enchères alors que les civils et la communauté internationale tentent de leur faire signer un accord politique censé relancer la transition démocratique.