Cette arrestation fait suite à des propos dans lesquels Rached Ghannouchi affirmait que le pays serait menacé de guerre civile si l’islam politique était éliminé.
Chef du parti d’opposition, Rached Ghannouchi a ete arrete ce lundi (ici a son arrive a la convocation par un juge d’instruction en fevrier 2023).
Chef du parti d’opposition, Rached Ghannouchi a été arrêté ce lundi (ici à son arrivé à la convocation par un juge d’instruction en février 2023).
Rached Ghannouchi, un des principaux opposants au président tunisien Kaïs Saïed et chef du parti Ennahdha, a été arrêté, lundi 17 avril, ont annoncé les autorités. À 81 ans, le chef du mouvement islamo-conservateur dirigeait le Parlement, dissous en juillet 2021 par le chef de l’État, et est l’opposant le plus en vue à être arrêté depuis ce coup de force.
Une source au ministère de l’Intérieur a confirmé que son arrestation était liée à des déclarations qu’il avait faites et rapportées par des médias. Il avait affirmé, ce week-end, que la Tunisie serait menacée d’une « guerre civile » si l’islam politique, dont est issu son parti, y était éliminé.
L’opposant politique a été arrêté par des policiers à son domicile de Tunis, a-t-il affirmé dans un communiqué, dénonçant « ce développement extrêmement grave » et appelant à sa « liberté immédiate ». Mondher Lounissi, le vice-président, a affirmé que Rached Ghannouchi avait été emmené dans une caserne de police pour un interrogatoire et que ses avocats n’avaient pas été autorisés à y assister.
Plusieurs passages devant la justice
Son arrestation a eu lieu au moment de l’iftar, le repas de rupture de jeûne du ramadan, et quelques heures avant la célébration par les fidèles de la nuit sacrée « du destin ».
En février dernier, déjà, Rached Ghannouchi avait comparu au pôle judiciaire antiterroriste à la suite d’une plainte l’accusant d’avoir traité les policiers de « tyrans ». Un peu plus tôt, en novembre 2022, la bête noire du président Saïed avait également été entendue par un juge du pôle judiciaire antiterroriste pour une affaire en lien avec l’envoi présumé de djihadistes en Syrie et en Irak.
En juillet de la même année, il avait aussi été interrogé pour des soupçons de corruption et blanchiment d’argent liés à des transferts de fonds depuis l’étranger vers une organisation caritative affiliée à Ennahdha.
Cette arrestation, « une nouvelle phase dans la crise »
Depuis début février, les autorités ont incarcéré plus de vingt opposants et des personnalités parmi lesquelles des ex-ministres, des hommes d’affaires et le patron de la radio la plus écoutée du pays, Mosaïque FM. Ces arrestations, dénoncées par des ONG locales et internationales, ont visé des figures politiques de premier plan du Front de salut national (FSN), principale coalition d’opposition dont fait partie Ennahdha.
Le président Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs depuis son coup de force de juillet 2021, a qualifié les personnes arrêtées de « terroristes », affirmant qu’elles étaient impliquées dans un « complot contre la sûreté de l’État ».
Mais l’arrestation du chef du plus important parti politique du pays, « qui a toujours montré son attachement à l’action politique pacifique », souligne Ahmed Néjib Chebbi, le président du FSN, « marque une nouvelle phase dans la crise ». « Cela relève de la vengeance aveugle contre les opposants ».
Rached Ghannouchi a fait d’Ennahdha un parti incontournable
Après son coup de force, Kaïs Saïed a fait réviser la Constitution pour instaurer un système ultra-présidentialiste aux dépens du Parlement, qui ne dispose plus de réels pouvoirs, contrairement à l’Assemblée dissoute dominée par Ennahdha.
Opposant de premier plan sous les régimes de Habib Bourguiba et Zine El Abidine Ben Ali, Rached Ghannouchi est revenu au pays après vingt ans d’exil passés à Londres, à la suite de la chute du dictateur en 2011. Son retour avait été célébré par des milliers de personnes. Mais son étoile a progressivement pâli depuis la révolution, ses détracteurs l’accusant d’être un manœuvrier pragmatique prêt à tout pour se maintenir au pouvoir.
À défaut de pouvoir réunir une majorité absolue, il s’est toujours arrangé pour qu’Ennahdha soit incontournable dans les différentes coalitions depuis la révolution. Quitte à passer des alliances contre-nature avec le parti libéral Qalb Tounes de l’homme d’affaires Nabil Karoui, ou avec l’ancien président Béji Caïd Essebsi, arguant de la nécessité d’un « consensus » nécessaire à la transition démocratique.
Au début de son parcours, il s’était d’abord inspiré des Frères musulmans égyptiens, avant de se réclamer du modèle islamiste turc de Recep Tayyip Erdogan. Il a ensuite fait muer Ennahdha en mouvement civil, censé depuis 2016 n’être consacré qu’à la politique, et s’affiche depuis comme un « démocrate musulman » défendant des valeurs conservatrices sans dogmatisme.